Nous remercions nos partenaires
qui nous ont accueillis et accompagnés
dans la mise en œuvre de cette résidence artistique :
les médiathèques de Saint-Étienne, le service Ville d’art et d’histoire de Saint-Étienne, le collège Fauriel, le centre social de Solaure-La Jomayère, Puits Couriot / Musée de la mine et le CHU de Saint-Étienne.
Mais aussi Michel Depeyre et Michel Rautenberg pour leurs éclairages d’historien et de sociologue.
« Vous avez dit bande dessinée ? Quoi de plus étonnant pour raconter l’histoire d’une ville… Pour moi, le récit historique est structuré, argumenté, fondé sur des sources identifiées… nous sommes bien loin des dessins légendés… Et pourtant, à une époque où la BD n’existait que depuis peu avec les dessins de Rodolphe Töpffer, les romans, tels ceux de Balzac, nous racontent tout aussi bien le début du XIXème siècle qu’un ouvrage écrit par un historien.
L’entreprise était donc intéressante à suivre. N’étant pas lecteur de bandes dessinées, je n’en connais ni les processus de création, ni les modes de lecture. Ma curiosité est d’autant plus grande. Je suis d’abord effrayé par la masse d’informations qu’il convient de fournir aux auteurs, puis, je comprends vite qu’il doit y avoir une période de décantation qui permette d’aller à l’essentiel, sans doute avec plus d’exigence que dans un livre d’histoire classique.
Plus difficile fut pour moi la compréhension du travail des auteurs : ils doivent se documenter, certes, mais aussi rédiger un scénario et transposer cela par des mises en scène traduisant un contenu au moyen d’une forme, aussi belle et juste que possible.
En somme, une belle expérience qui m’a conduit à réviser ma conception du récit historique. »
Michel Depeyre, Enseignant-chercheur en Histoire moderne et contemporaine
« La BD historique nourrit nos imaginaires de la ville.
Il y a, dans le travail de Domizia Tosatto et Baptiste Deyrail un peu du réalisme poétique et fantastique de Dino Buzzati -le Buzzati des Poème-Bulles- et des balades aventurières de Corto Maltese dans les mers tropicales. Le trait noir du crayon côtoie les couleurs lavées de l’aquarelle, le dessin et le texte s’épaulent pour construire un récit qui nous embarque vers des lieux familiers ou des situations bien connues que nous voyons comme si nous les découvrions pour la première fois.
Les faits historiques prennent place dans nos imaginaires. Quand j’ai découvert le bel ouvrage auquel ils ont contribué en 2019, Le fond du jour, j’ai été frappé par leur capacité à nous faire partager, par le récit, par l’image et par la construction de l’espace de la page, certains moments difficiles de la vie des mineurs stéphanois. Les aquarelles du musée de la mine, à la fois sobres et crues, et les dessins au trait épais rendent au lieu un peu du mystère de la vie des hommes qui s’y croisaient, ils évoquent la dimension fantastique de la mine qu’on oublie parfois.
L’histoire est tragique dit-on parfois, et nos imaginaires l’aspirent dans le présent, oubliant ici, transformant là, mélangeant les époques et les acteurs, jouant avec nos mémoires pour que le passé vienne trouver sa place dans le récit de nos vies. Comment Domizia et Baptiste se sont-ils colletés avec ses personnages, ses événements, avec nos propos de sociologue ou d’historien ?
Pour ma part, j’ai préféré être un maïeuticien sur le mode mineur, les aider à rendre palpable cette histoire des Stéphanois pendant la grande période de l’éclosion industrielle de la ville. L’enjeu était de sortir de la dialectique du misérabilisme (la « ville noire ») et du working class hero à laquelle on réduit trop souvent nos représentations de Saint-Étienne et de proposer d’autres images pour nourrir nos imaginaires. »
Michel Rautenberg, sociologue, chercheur à l’Université de Saint- Étienne